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10. November 2017 Discours de M. Pierre Alain Schnegg 2017
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Jura et Jura bernois
Dénonciation de l'Accord du 25 mars 1994 et dissolution de l'Assemblée interjurassienne
Moutier, le 10 novembre 2017
Discours de M. Pierre Alain Schnegg, conseiller d'Etat bernois, président de la Délégation du Conseil-exécutif pour les affaires jurassiennes

Le canton de Berne prend congé de l'Assemblée interjurassienne avec humilité, reconnaissance, soulagement et sérénité.

Pendant des décennies, la Question jurassienne a tourmenté la population de la région, de Boncourt à La Neuveville. Les plus jeunes parmi nos concitoyennes et concitoyens des deux cantons peinent à imaginer la chaleur des passions que la recherche d'une bonne réponse a suscitée.

De cette chaleur aurait pu naître un brasier. Quelques-uns, contre toute raison, ont mis le feu ici ou là. D'autres ont utilisé des explosifs.

Rares ont été les personnes qui ont perdu leur vie. Mais il y en a eu, il s'en est quelques fois fallu de peu pour qu'elles soient nombreuses.

Il y a eu aussi les blessures intimes, les animosités qui ont déchiré tant de familles, les amertumes qui ont marqué tant d'existences, les divergences inconciliables qui ont abîmé tant d'amitiés, les regrets qui ont teinté la vie de tristesse et les disputes toujours recommencées.

Le temps viendra où s'estomperont tous ces malheurs, tous ces dommages. Mais seuls le respect intégral des engagements pris et la mise d'un point final à la Question jurassienne lui permettra d'advenir.

Avec le recul, à regarder les tensions auxquelles sont confrontées d'autres régions d'Europe, nous mesurons l'ampleur des périls auxquels nous avons échappés.

Il est indéniable à mes yeux que la Question jurassienne restera un épisode, difficile, dur, douloureux de l'histoire de notre pays, de l'histoire de nos deux cantons.

Ne l'oublions pas, alors qu'aujourd'hui semble dominer comme une satisfaction du devoir accompli et même presqu'une fierté d'avoir fait face à cette crise sur un mode démocratique.

Mesdames et Messieurs, demeurons humbles et prévenons-nous contre toute vanité : finalement, nous n'avons fait que remplir notre devoir.

* * * * * *

Cela dit, Mesdames et Messieurs, les autorités cantonales bernoises expriment en ce jour leur profonde reconnaissance.

Une part de cette reconnaissance, Monsieur le président de l'AIJ, nous la devons à votre assemblée, dont la mission est maintenant achevée.

Les relations entre le jeune canton du Jura et le vieux canton de Berne étaient ardues, marquées par une absence de confiance réciproque qui rendait stérile le dialogue institutionnel et alimentait une sourde hostilité.

À force de patience, de doigté, de constance aussi dans l'effort, l'Assemblée interjurassienne est parvenue à placer au cœur du conflit jurassien une culture du dialogue.

Sans elle, nos deux cantons auraient éprouvé mille peines à résoudre ce conflit et la paix confédérale serait demeurée troublée longtemps encore. Puisse cette paix confédérale retrouver la place qui est la sienne et qu'elle n'aurait jamais dû abandonner.

Comme souvent dans l'histoire de la Suisse, la résolution d'un conflit entre Confédérés est rendue possible par l'invention d'un compromis.

Le génie du compromis, même quand il n'est pas entièrement convaincant sur le fond, c'est qu'il oblige toutes les parties à renoncer à quelque chose au nom d'un intérêt commun supérieur.

Pour une bonne part grâce à l'AIJ, grâce aussi aux efforts de très nombreuses personnalités de bonne volonté, nous sommes arrivés aujourd'hui à un compromis historique, qui est soutenu par les populations de nos deux cantons.

Cette reconnaissance, Mesdames et Messieurs, nous la devons pour une autre part à nos concitoyennes et concitoyens, à toutes ces personnes dont l'histoire ne retiendra pas le nom, qui ont toujours su faire preuve de mesure, même aux moments les plus chauds.

Ce sont elles qui, en premier lieu, ont incarné la démocratie suisse. Ce n'est pas qu'elles n'auraient pas été partisanes de telle issue plutôt que de telle autre, non, la plupart d'entre elles se sont forgé une conviction et l'ont fait valoir.

Mais, ce faisant, elles n'ont cessé de soigner aussi la culture politique que notre pays développe jour après jour depuis approximativement la moitié du 19ème siècle.

Il y a peu, Monsieur le conseiller d'État vaudois Pascal Broulis, en sa qualité de président du conseil de la Fondation ch pour la collaboration confédérale, rappelait opportunément que les Suisses s'étaient eux aussi fait la guerre.

Épargné pour l'essentiel par les ravages des deux guerres mondiales du siècle dernier, notre pays n'a plus conscience des graves conflits du passé. La Confédération helvétique a lentement pris forme au cœur d'une Europe déchirée par les affrontements à répétition des puissances successives.

Dans le passé, jusqu'à la Guerre du Sonderbund, la défense des intérêts des uns et des autres, cantons, villes, régions, a souvent fait couler le sang, les plus forts se sont imposés à réitérées reprises par les armes – nous n'avons pas toujours été un peuple paisible.

Berne en sait quelque chose, qui a compté comme un des plus grands États-cités au nord des Alpes jusque vers la fin du 18ème siècle.

Peut-être du fait de son passé de puissance dominatrice, Berne a tardé à entendre, à comprendre ce qui se jouait dans le pays jurassien, dont elle avait hérité sans jamais y avoir vraiment prétendu.

Si nous n'avons plus besoin de l'AIJ, qui mérite assurément l'hommage qui lui est adressé, nous aurons toujours besoin de l'engagement démocratique de nos concitoyennes et concitoyens, dont la mesure et la sagesse savent retenir responsables politiques et activistes militants quand ils menacent de tomber dans l'excès – nous leur en savons gré.

* * * * * *

Madame la conseillère fédérale, Mesdames et Messieurs, le Conseil-exécutif bernois est soulagé que nous puissions, ensemble, enfin tourner la page de la Question jurassienne

– elle n'a que trop duré !

En 1994, il a fallu en passer par là. L'Accord relatif à l'institutionnalisation du dialogue interjurassien et à la création de l'Assemblée interjurassienne a été le virage historique que nos prédécesseurs ont su négocier avec discernement, mettant ainsi un terme définitif à toute velléité d'escalade.

Ses artisans n'ont vraisemblablement pas pensé qu'ils inauguraient par là une période de vingt-trois ans. Tout cela a-t-il duré trop longtemps ?

Il serait oiseux d'en discuter aujourd'hui. Oui, tout cela a duré très longtemps. Et la lenteur est aussi une vertu, qui modère les passions, soutient la réflexion sur le long terme et associe la génération qui suit au processus.

Toutefois, cette vertu a un prix élevé, qu'il nous faudra payer quelques temps encore.

Pour toute la région, la Question jurassienne a été d'un côté un catalyseur d'innovation, en débouchant sur la création d'un nouveau canton suisse, en stimulant la créativité culturelle, en faisant émerger aussi une conscience politique jurassienne bernoise, qui se traduit pas à pas dans une architecture institutionnelle spécifique, le Statut particulier.

D'un autre côté, ces quinze dernières années, elle a été un puissant frein au développement, en ceci que des démarches très nombreuses n'ont pas avancé comme elles l'auraient pu, leurs aboutissements possibles étant subordonnés à des considérations politiques sur la souveraineté.

Avons-nous suffisamment réfléchi aux changements survenus depuis 1994, dans lemonde, en Europe et en Suisse ?

À leurs répercussions sur le tissu économique ? Aux évolutions démographiques et sociales ?

Aux changements de paradigme dans la conduite de domaines entiers relevant de la compétence des collectivités publiques ?

Il nous faut probablement le reconnaître, Mesdames et Messieurs, nous y avons peut-être trop peu réfléchi et accordé à la Question jurassienne une importance politique sans doute disproportionnée.

Finalement, en ce début de vingt-et-unième siècle, pour la qualité de vie des habitantes et habitants de nos deux cantons, dont l'amélioration est notre premier devoir en tant que responsables politiques, n'y a-t-il pas d'autres questions autrement plus cruciales ?

Mais laissons cela et tournons-nous vers l'avenir !

Nombreux sont les champs d'action où nous aboutirons à de meilleurs résultats ensemble, dans un climat de coopération apaisé. Le gouvernement bernois est prêt à y prendre ses responsabilités et il se réjouit que le dialogue entre nos deux cantons, à tous les niveaux, s'intensifie sans qu'il soit encore nécessaire qu'une assemblée commune en prenne soin.

* * * * * *

C'est donc avec sérénité, Madame la conseillère fédérale, Madame la présidente du gouvernement de la République et Canton du Jura, Monsieur le président de l'AIJ, que le Conseil-exécutif a décidé, le 1er novembre, de dénoncer l'accord du 25 mars 1994, désormais caduc car ayant déployé ses effets, et d'en conclure que l'Assemblée interjurassienne doit être dissoute.

Cette dénonciation sera portée à la connaissance du Grand Conseil, qui n'a en l'espèce aucune décision à rendre.

Le Conseil-exécutif en est conscient : aux yeux de certains, et c'est bien triste et très regrettable, la Question jurassienne n'est par là pas résolue, « du point de vue de la poursuite de l'idéal de la cause », comme le disait voici peu un de ses éminents porte-parole.

Que toutes et tous l'entendent une fois pour toutes : du point de vue des autorités bernoises, de la population du canton de Berne quasi unanime, des habitantes et habitants aussi du Jura bernois dans leur très grande majorité, la Question jurassienne est maintenant définitivement résolue, indépendamment de ce que l'on pense des mérites de cette résolution.

Nous consacrerons dorénavant notre énergie à d'autres enjeux, dans le présent, tirant un trait sur le passé.

Permettez-moi pour conclure de citer un propos du célèbre écrivain français Albert Camus, quiaécrit : « La vraie générositéenversl'avenirconsisteàtoutdonnerauprésent. »

Puissions-nous nous en inspirer !

Source: Assemblée interjurassienne (AIJ) , 10 novembre 2017

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